1 juil. 2011

LOLA LAFON - Une Vie De Voleuse et Une Fièvre Impossible à négocier !

Illustration - Paul-W-Ruiz
"Alors quelques Étoiles Noires me saisissent, juste au moment où je vais tomber pour toujours, et me tiennent fermement par le bras, un de chaque côté. On fait la chaîne. Solidaires, un bloc, un Black Bloc. Je ne peux pas tomber et si mes larmes coulent, là, devant les flics qui nous visent au flash-ball et veulent nous mettre à terre, c'est uniquement parce que le foulard noir qui couvre ma bouche vient d'être transpercé de lacrymos."
[...]  "Moi, je ne fais pas de politique, je me fais plaisir en donnant des coups de pied, petit peut-être, mais coups quand même, dans le béton dont la tête ne me revient pas. Les fissures apparaissent peu à peu.
 Ce monde, je leur dit, je cherche juste à le faire déraper, qu'il se casse la gueule au lieu de casser celles des autres. Sabotage. Infime, c'est vrai, mais sabotage. Et puisque j'ai appris qu'il faut parler couramment la langue de ses ennemis pour être entendu d'eux, je parle en euros ou en dollars: je crée des dommages matériels, je leur coûte cher j'espère. Et leur panique, leurs vigiles, les rideaux de fer qui se baissent précipitamment, leurs alarmes dès qu'une manif se promène par chez eux, me prouve que Foot-Locker, Mac-Do, Esso, le CIC, Renault, TF1, L'Oréal nous ont parfaitement compris eux..."

"[...] On ne se cherchait absolument pas une place aux côtés des décideurs et des Maitres du Monde. On ne veut plus de Maitres du Monde. On ne veut pas passer à la TV. On ne sera jamais célèbre. On n'est pas des ambitieux, on est des imagineurs et rêver c'est un truc, un droit, dont on ne vous parle même plus, je répondais. Puis, non, je me contredisais et je rajoutais: "On vous en parle de vos rêves, on vous dis de quoi rêver, de quelle couleur rêver, quel rêve acheter. On vous ordonne de rêver. Vous le voyez ça, non ?"
 Mais j'étais "dépassé" et "utopiste". J'aurais voulu expliquer l'absurde d'un système qui promet le "bonheur" aux utilisatrices d'un shampooing révolutionnaire qui procure un "vrai bonheur". La perversité d'une obligation sans cesse répétée d'atteindre cet état de "bonheur" relié directement à un code secret de carte bancaire.
 J'aurai voulu dire à tous mes amis "apolitiques" que c'était assez terrible de constater qu'ils trouvaient tous parfaitement légitime qu'il y ait des sacrifiés à la Grande Economie, et que même jeunes, ils n'envisageaient qu'une autre organisation du monde, un petit changement d'ordre soient possibles. Je ne cesserai jamais de m'émerveiller d'un système dont le pouvoir d'hypnose est tel qu'il arrive à faire accepter à la très grande majorité des gens que leur bonheur ici-bas ils peuvent s"asseoir dessus s'ils n'acceptent pas que des millions de personnes y soient sacrifiés ( en Inde, en Turquie, en Bulgarie, ou aux Baumettes )."

"Mes amis d'avant ne me trouvaient plus jolie du tout, je le voyais à la façon qu'ils avaient, plus la soirée avançait, de se rapprocher les uns des autres, de sorte que j'ai fini par être assise devant un tribunal du samedi soir en Adidas vintage.
 J'ai essayé de leur faire admettre qu'une manif n'était jamais qu'une autorisation de se révolter accordée pour le week-end entre 14h et 17h de Bastille à République entourée de CRS qui attendent que tu finisses ta petite pause de rébellion programmée par eux, et il se trouve que je n'aime pas qu'on m'autorise à exister et qu'on me dise quand rentrer chez moi."
[...] "Jour après jour, l'ordre du monde produit diverses sortes de violences. Pauvreté, faim, exclusions, la mort de millions de personnes, la destruction d'espèces vivants, les arbres, les océans. C'est exactement ce que nous rejetons. Casser les vitrines des banques et des multinationales est une action symbolique.
On nous accuse de violence ?
Ce qu'on détruit ne sont que des objets inanimés mais les paysans brésiliens, les rebelles mexicains, les enfants travailleurs de 7 ans, les mers du monde entier, sont bien vivants eux, et leurs souffrances bien réelles.
Si des vitrines tremblent, vous pleurez. Vous restez silencieux quand des gens meurent..."

J'ai pensé que les Français avaient tué des officiers allemands pendant la résistance et que je n'allais pas engager le débat là-dessus, parce qu'on allait sûrement me dire qu'on n'était pas en guerre. En tout cas, c'est sûr, mes amis d'avant, eux n'étaient pas en guerre.
Ils la regardaient chaque jour à la TV, et ils la sentaient passer dans leur entreprise, en espérant qu'ils y échapperaient, même s'il fallait, pour sauver leur CDD, dénoncer, écraser ou éliminer."
[...] "J'ai longtemps pensé comme on m'a dit de penser. J'ai longtemps établi des classifications arbitraires: la violence était spontanée, irréfléchie et inutile. La réflexion, par contre, amenait irrémédiablement à une pensée construite sur la non-violence, pacifique. Mais il n'y a pas un Océan vraiment zen pacifique. Mais mon coeur bat tellement fort dans mon sang qu'on peut l'entendre en s'approchant de moi.
Mais il ne faudrait jamais oublier que ceux qui sont au pouvoir des Pays, des Quartiers, des Rues et dans ton Lieu de Travail, et le chef de service et le controleur RATP ne le sont pas, eux, opposés à la violence. Ils sont juste opposés à la tienne. Leur préoccupation est de conserver le monopole de la violence, pas de la supprimer. "Aux mains de l'Etat, la violence s'appelle droit. Aux mains de l'individu, elle se nomme crime."
Je ferme les yeux et je vois un pays peuplé de gentilles petites filles et de gentils petits garçons qui marchent à grand pas du RER vers un siège éjectable encore nommé le travail.
Alors il faudra bien qu'on redevienne tous des Enfants Sauvages."
Extraits du 1er bouquin de Lola Lafon: Une fièvre impossible à négocier (2003)

"Lola Lafon, c'est Rimbaude chantant l'altermondiale" - Libé.

Extraits du second album de Lola Lafon - Une vie d'une voleuse


"Pour ce nouvel album, Lola Lafon garde son équipe rapprochée : Ivica Bogdanic (accordéon, clavier), Olivier Lambert (clavier, guitare) et Julien Rieu de Pey (basse, guitare et bouzouki). Elle signe la grande majorité des textes. Dominique A lui a offert une chanson, « L'Abandon ».
La plupart des chansons de cet opus sont nées sur scène, avant d'être gravées sur CD. Et ça s'entend. Il y a une urgence qui émerge des textes et des mélodies. Les racines de Lola Lafon sont nombreuses : elle a été élevée entre Sofia, Bucarest et Paris. Que ce soit dans son phrasé et sa façon d'égrener les notes ou dans les mélodies, on oscille entre la mélancolie du folklore balkanique et des sons plus urbains, plus parisiens.
Lola Lafon est une des rares auteures a avoir réussi le pari d'écrire des romans et des chansons, et de le faire avec talent. L'exercice est plutôt casse-gueule, beaucoup s'y sont cassé les dents. Lola Lafon, elle, le survole avec allégresse. Il y a de jolies fêlures dans la voix de Lola Lafon, qui rendent cet opus très touchant. Entre réalité, nostalgie et mélancolie, « Une vie de voleuse » dépeint une époque, la nôtre, la sienne..." (Source)

Lola Lafon  à Arrêts Sur Images le 31/05/2011 - Lola Lafon Dans le Texte - 
Présentée par Judith Bernard (Version audio - Vidéo ICI)

Sources & Liens:


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