21 oct. 2010

MAMMUTH de Gustave KERVEN & Benoît DELÉPINE

Commençons par l'article de la gazette d'Utopia : "On écrit « Mammuth » mais on pense « mammouth », forcément. Énorme, imposant, massif, titanesque… on pourrait continuer ainsi la liste et manier l'hyperbole car Depardieu, alias Serge Pilardos, surnommé « Mammuth » à cause de toute cette masse physique peut-être mais à cause surtout de sa moto du même nom… Gérard Depardieu donc porte la bête avec son immense talent ici retrouvé, mélange inné de force tranquille, dévastatrice et de tendresse désarmante.
Et alors, ça donne quoi, Depardieu chez Delépine et Kervern ? Ça donne un objet cinématographique à nul autre pareil, beau et fou et tendre et rugueux, où la patte de nos deux (ben et) gus est identifiable dès les premiers instants mais où nous mettons pourtant le pied sur une planète nouvelle, parce que Depardieu, jamais vu comme ça, est à lui tout seul un continent inexploré.
Et pas question de se livrer au petit jeu bêta du « est-ce que c’est aussi bien que Louise Michel, aussi barré qu’Aaltra, aussi brut et aride qu’Aviva ? »… Embarquez-vous sur la Mammuth et vous verrez bien ! Tout ce qu’on en dit, nous, fidèles admirateurs des deux Grolandais volants, c’est que le voyage est ébouriffant et que ce n’est sûrement pas avec ce nouveau film incroyable qu’on va arrêter d’aimer leur cinéma...
Serge Pilardos est un bosseur. Toute sa vie il a trimé. Des boulots à sa mesure de balèze : manutentionnaire, videur de boîte de nuit, fossoyeur ou équarrisseur, le dernier en date. La boucherie, ça lui allait bien : tailler dans la barbaque, jouer du couteau autour de l'os pour sculpter un jambon bien dodu, c’était du nanan pour ses grosses paluches. « C’était » car l’heure du pot d’adieu a sonné (séquence inénarrable !) : la retraite, un truc auquel il n’avait jusqu’alors jamais songé, lui tombe sur la tronche aussi sec qu’un coup de pistolet d'abattage derrière les oreilles du bovin innocent.
Le voilà donc dans son petit pavillon exigu, à traîner dans les pattes de maman (et quelle « maman » : la Moreau, la Yolande !), préposé aux courses dans le supermarché où elle officie en qualité d’hôtesse de caisse. Il faut le voir, errer avec sa chevelure longue et peroxydée dans l’allée des surgelés ou au rayon boucherie, poussant un caddie ridiculement petit devant son bide aussi imposant que son pif, à la recherche d’un peu de contact humain, d’une parenthèse à l’ennui.
Heureusement, l’administration française veille : afin de pouvoir toucher un pécule misérable à taux plein, Serge doit pouvoir présenter des justificatif de tous les boulots de sa vie et forcément, il lui en manque. L’occasion (presque) rêvée de débâcher sa vieille Mammuth des années 70 pour partir en virée solitaire à la recherche des précieuses et ridicules petites attestations d’emploi.
Au fil de la balade, bien entendu, la paperasse passera à l’as pour laisser place à quelque chose de plus profond, et la quête du jeune retraité se transformera en road-movie poétique et mélancolique. C’est que le Serge, il est comme l’artichaut : bien dodu en dehors avec pilosité abondante au-dessus, le tout dissimulant secrètement un vrai cœur tendre.
Et c’est bien là qu’il faut trouver la pépite : enfouie au beau milieu de rencontres toutes plus barrées les unes que les autres et de situations à la fois absurdes, cocasses et décalées, nichée au creux de l’humour corrosif et des vannes décapantes se niche le portrait éblouissant d’un colosse aux pieds d’argile, d'un travailleur banlieusard ordinaire, secret, taiseux et amoureux de sa caissière de femme qui va, le temps d’une balade en Mammuth, vous faire décoller. Très loin, très haut, ailleurs…"


Le binôme iconoclaste d'un "autre" cinéma héxagonal n'en finit pas de me bluffer par leur incroyable façon de coller à l'actualité sociale du moment. Avec juste ce qu'il faut de décalage pour raconter des tranches de vie sans pathos ni chichis. Ces mecs savent rendre leurs personnages tour à tour drôles, attachants, humains quoi. Bref ça cause juste, ça joue juste (souvent avec des gens extérieurs au microcosme du milieu du cinoche).
Louise Michel et le patron voyou sur lequel pesait la menace d'un "contrat" lancé par ses ex-employées est sorti en décembre 2008, en plein crack boursier et quand beaucoup d'entreprises commençaient à délocaliser. Mammuth débarque allègrement en plein conflit sur les retraites... Il ne s'agit pas de coïncidence ou d'anticipation militante, Kerven & Delépine font juste preuve d'acuité et savent observer leurs contemporains avec ce regard humaniste et plein d'humour. C'est toute la poésie de leur cinéma que de se concentrer sur l'humain dans son quotidien flirtant parfois avec l'onirisme, la peau des rêves qui nous animent.
 Quant à Dipôrdiou, je ne l'avais jamais trouvé aussi proche au sens propre comme au figuré... Et puis j'ai eu une vision fugace à un moment du film, celle de Mikey Rourke dans The wrestler de Daren Aronofsky, il y a quelque chose de puissant, de profond chez ses gaillards aux allures de mastodontes !

À voir aussi :  
Le MAKI

Voir également...



La Question des Chevaliers / Gustave kervern au... par Les-chevaliers-du-lustre



Un jour avec Gustave Kervern (documentaire) par Les-chevaliers-du-lustre



" Mammuth " Interview déjantée de Gustave Kervern par lyon_videos_fr

2 commentaires:

  1. http://www.dailymotion.com/video/xd0j0k_mammuth-interview-dejantee-de-gust_fun

    & comme un peu partout les bal-cons commencent à s'enguirlander made in China, y a pas de raisons de se priver d'une virée en Normandie pour entendre causer Gus de Louise-Didier. Heu non (:-) Louise-Michel !
    http://www.dailymotion.com/video/x8f50w_un-jour-avec-gustave-kervern-docume_shortfilms

    petit supplément
    http://www.dailymotion.com/video/x8fjva_la-question-des-chevaliers-gustave_shortfilms

    au fait, pour quand un post à la eJo sur Série Noire... ça manque à la garçonnière dite Namaste Baba !

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    1. Hum !... Merci pour les vidéos ! Je post ça !
      Quant à Série Noire, bon sang, c'est très tentant...

      Je garde l'idée dans un coin de ma tête, c'est un truc à étudier (merci pour le speech sur les noces des abeilles, aurait ajouté l'ami Bashung...)

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